Bien que je sois constamment confrontée aux effets de l’impermanence, je continue d’oublier qu’elle se manifeste régulièrement dans ma vie, dans mes relations, au sein de ma personne. Parfois, elle s’opère si subtilement que ce n’est qu’après plusieurs mois de silence que ses effets s’imposent à ma conscience. Je remarque soudainement que je suis une personne différente, que mes relations se sont modifiées, que tout a changé.
J’ai commencé à écrire à l’âge de 19 ans, lorsque mes pensées semblaient déborder de ma tête, de ce lieu clos qui devient si rapidement encombré. J’écrivais pour faire sens du monde et de mon existence. À ce moment, je n’avais pas l’intention de partager mes écrits avec d’autres. L’écriture représentait pour moi un lieu de refuge et d’isolement.
Avec le temps, ma relation avec l’écriture s’est lentement transformée. Cette passion d’autrefois est graduellement devenue une source d’angoisse. En invitant d’autres dans mes pensées, je leur dévoilais l’emplacement de ma cachette. Je n’étais plus seule.
Présentement, je me relis avec tous les yeux qui seront ou qui ont déjà été posés sur mes textes. Le doute s’accapare de mon corps et s’infiltre dans mes pensées. Il me paralyse.
À partir du moment où l’artiste partage ses œuvres, la création peut-elle continuer d’être pour soi ou est-elle maintenant pour les autres ? À quel moment perd-elle son authenticité et sa vérité?
Dans cette époque marquée par le regard, il est malheureusement devenu facile de s’aveugler. Nous nous laissons ainsi être guidés par les yeux de l’Autre. J’avais oublié. Oublié comment écrire pour moi seule, tout comme j’avais oublié comment exister en l’absence de l’Autre.